Le Cloud Computing



4. L’état du Cloud en Europe

4.2.    Le besoin d'une jurisprudence claire sur le Cloud Computing

Sans une jurisprudence claire, les utilisateurs n'auront pas confiance dans cette technologie numérique.  Les lois évoluent en fonction des technologies adoptées par la société comme en démontre le graphique ci-dessous représentant l’évolution du cadre juridique de l’Union Européenne. On remarque que les lois apparaissent toujours peu après les évolutions techniques. Le cadre juridique se plie donc aux évolutions techniques. Il faut s’attendre prochaine à des lois propres au Cloud Computing.

Capture d’écran 2010-05-18 à 15.13.36.png

Figure 14 Evolution cadre juridique dans l’UE source : Cloud Computing & Law, Patrick Van Eeke 2010

Le manque de sécurité notamment sur la confidentialité des données est le premier frein énoncé par les potentiels DSI et les particuliers d’après une enquête du cabinet Portio Research réalisée fin 2009. Même si nous avons démontré que le Cloud Computing était fiable, celui-ci a besoin d'un encadrement global pour répondre à la tendance vers un marché unique communautaire.

Un marché qui demande à être surveillée pour cesser de tomber dans les dérives graves qui peuvent être la revente d’informations personnelles après avoir été piratées (Kirllos, un hackeur russe propose à la revente des millions de données de comptes provenant du site Facebook). De tels déboires pourraient engendrer une perte de confiance des particuliers pouvant à terme se retirer de la toile ou se cantonner à leurs habitudes qui sont d'interagir sur des blogs de façon anonyme ou de formuler des recherches.

Du côté des entreprises, il faut aussi avoir confiance pour adopter un tel système. Là aussi, le cadre juridique est primordial. Plus de 99 % des entreprises en France sont des TPE/PME, elles ont besoin d'être protégées en cas de problème avec les fournisseurs de Cloud car elles ne pourront pas maîtriser les risques (pertes de données par exemple).

Plusieurs problématiques se posent donc au niveau législatif. Nous devons d’abord savoir quels services doivent être garantis par les acteurs de service type Cloud Computing. Puis déterminer quel est le cadre juridique actuel du Cloud Computing. Dans un contexte d’échanges de données sur le réseau mondial, il est important de savoir quelles sont les risques entrepris, les garanties à prendre.

Enfin, on pourra se demander si une législation à portée mondiale est envisageable.


4.2.1.        Quelles problématiques pour les acteurs du Cloud en Europe

Les problématiques du Cloud Computing sont nombreuses. Cependant, les problématiques ne sont pas les mêmes pour tous les acteurs. Les différences sont attestées par le tableau ci-dessous.

Acteurs

Problématiques

Fournisseurs de services Cloud

Attractivité de l’offre

Adaptabilité et scalabilité

Responsabilité (Cloud Service Providers / Editeurs)

Sécurité / Confidentialité / Intégrité des systèmes et des données

Editeurs de logiciel

Gestion de la propriété intellectuelle (licence et accès par tiers)

Contrôle/auditabilité de l’utilisation des logiciels et modèles de redevances

Responsabilité de l’intégrité des chaines de traitements de l’information

Interopérabilité

Utilisateur du Cloud

Disponibilité

Niveau de service

Réversibilité

Risque opérationnel

Contrôle du TCO (Coût total de possession)

Contrôle de conformité réglementaire

Protection des données personnelles

Consommateur

Protection des données personnelles

Réversibilité

Aisance des recours juridiques

Politique des prix

Source AFDEL, mai 2010

C’est à travers ces problématiques que doit s’articuler le cadre juridique du Cloud Computing.

Aujourd’hui des lois couvrent déjà certaines problématiques telles que la gestion de la propriété intellectuelle et la protection des données personnelles. Par contre, il y a encore du flou au niveau de la politique des prix, de la réversibilité, disponibilité, interopérabilité entre Cloud ainsi que le risque opérationnel… Ces points sont spécifiés au cas par cas lors de l’établissement d’un contrat de service type SLA dans ses clauses. Il convient donc au client et au fournisseur de s’accorder pour parvenir à un échange  équitable.

 

 

4.2.2.        La sécurité des données : des enjeux complexes pour un Cloud immature

La mise en place de services de Cloud Computing comporte des risques au regard de la sécurité et de sécurisation des données. En effet, l’accès aux données et aux applications est réalisé entre le client et la multiplicité des serveurs distants. Ce risque se trouve donc amplifié par la mutualisation des serveurs et par la délocalisation de ceux-ci. La loi Godfrain n'impose pas de protéger un système, son exploitant doit néanmoins prendre certaines précautions du fait d'autres réglementations, et notamment du fait de la loi "Informatique et libertés" du 6 janvier 1978.

En effet, l'article 226-17 du Code pénal réprime le fait de procéder ou de faire procéder à un traitement automatisé d'informations nominatives sans prendre toutes les précautions utiles pour préserver la sécurité de ces informations et notamment d'empêcher qu'elles ne soient communiquées à des tiers non autorisés.

L'accès aux services induit des connexions sécurisées et une authentification des utilisateurs. En effet, la migration vers un service où les données sont hébergées dans le nuage entraîne tous les utilisateurs à devenir des nomades. Il faut veiller donc à la gestion des identifiants et du niveau de responsabilité (accès non autorisé avec fuite des données, perte ou vol d'identifiants, niveau d'habilitation, démission ou licenciement, etc.). D'après le Cloud Security Alliance (CSA)[14] les entreprises utilisatrices doivent être informées que le contrôle d'accès au niveau des applications n'est pas encore mature aujourd'hui. Un autre problème se pose lorsqu’un salarié quitte sa société, il pourra continuer à manipuler les informations de l’entreprise mises en ligne car d’après de nombreux cabinets d’audit, les services de Cloud Computing n’intègrent pas des processus de révocation des habilitations. Le seul moyen pour le fournisseur est alors de garantir la traçabilité des opérations par la consultation d’un historique sur l’accès aux données.

Il existe également un risque de perte de données à prendre en considération. Il faut évaluer et anticiper dans le cadre de procédures de sauvegarde adaptées (stockage dans des espaces privés, en local, en environnement public, etc.).  Le fournisseur a pour obligation de mettre tous les moyens technologiques possibles pour conserver l’intégrité des données confiées (selon la directive européenne sur la protection des données 95/46[15]). Cependant, là aussi il y a des interrogations : cette directive n’a pas pris en compte les développements technologiques ni les nouvelles réalités mondiales. Le seul moyen qui permettrait d’avoir plus de précisions sur les moyens technologiques à mettre en œuvre pour sécuriser un environnement Cloud est la TCI (Trusted Cloud Initiative) : un guide de bonnes pratiques concernant essentiellement la gestion des identités numériques et le filtrage des accès. Les critères de certification, le label et le programme seront définis prochainement par des membres de la CSA.

Du côté des fournisseurs,  la mise en place de services de Cloud Computing fait naître un certain nombre de risques au regard des données personnelles et des formalités imposées par la CNIL[16]. Ces risques sont aggravés en cas de transfert de données hors de l’Union Européenne (UE), thème qui sera abordé plus loin dans l’étude.

Le fournisseur doit garantir la confidentialité des données à caractère personnelle. Il a l’interdiction de regrouper ou stocker sur des serveurs identiques des fichiers comportant des données de même nature comme par exemple des informations bancaires et financières.  Il doit également se maintenir aux finalités prévues avec son client. Un service consistant à fournir le stockage des dossiers médicaux ne pourrait pas utiliser ces informations à d'autres fins.

La législation française offre un arsenal répressif très adapté et éprouvé : sanctions pénales en cas d’accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données (STAD), d’entrave ou de faussement du fonctionnement d’un STAD et, d’introduction frauduleuse de données dans un STAD. Le fournisseur peut être impliqué dans le cas où il aurait pu être / est au courant de cet aspect frauduleux.

 

La réalisation des services de Cloud Computing étant assurée par un prestataire externe, celle-ci comporte des risques au regard de la qualité de service obtenue, de la propriété et de l'intégrité des données et/ou applications confiées, risques qu’il conviendra donc de prévoir contractuellement.

4.2.3.        La rédaction d’un contrat type Cloud Computing pour protéger le consommateur

Pour pallier les risques précédemment évoqués, il conviendra d’un point de vue général de mettre en place, comme dans le cadre de tout projet d’externalisation, une convention de niveau de service, également appelée « SLA » (pour « Service Level Agreement »), permettant au client d’obtenir du prestataire une qualité de service convenue contractuellement. Par ailleurs, la convention pourra également comporter des indications quant aux attentes du client relatives à la réalisation des obligations du prestataire et notamment instaurer un système de malus ou de pénalités.

Dans ces clauses, pour assurer la pérennité des services de Cloud Computing, il est primordial de prévoir un plan de réversibilité assurant le transfert des services vers d’autres prestataires (conditions de déclenchement, coût, récupération des données).

La perte de données doit être prise en compte et il est préconisé de prévoir la réplication de celles-ci sur plusieurs sites distants ou l’obligation de résultat de restauration des données dans des délais contractuels définis. L’accord de Cloud Computing devra aussi stipuler une garantie de paiement d’une indemnité aux personnes physiques concernées par les données personnelles, en cas de traitement illicite ou de perte de ces dernières. Par ailleurs, le contrat doit expliciter l'ensemble des traitements autorisés par l'hébergeur (moyens et finalités).  En effet, le fournisseur de services de Cloud Computing est souvent vu comme un sous-traitant, c’est donc le client qui est responsable des traitements.

Le passage en Cloud doit préserver la capacité de l’utilisateur à auditer, consulter et restituer toutes les opérations réalisées (ou du moins les données initiales et celles résultant du traitement) dans des conditions indépendantes du prestataire de Cloud Computing ou de ses infrastructures, applications, outils, procédures (neutralisation des contraintes exogènes).

Le client peut exiger que les données restent localisées sur des serveurs exclusivement situés dans l’UE.

Enfin, le fournisseur de services de Cloud Computing a pour obligation  de communiquer à l’utilisateur ses conditions concernant les principales métriques du service de Cloud Computing (parallèle avec les services normés, type TEG), en contrepartie d’un principe d’obligation de moyens sur les services rendus.

Aujourd’hui, le client est seul face au fournisseur de Cloud, c’est à lui de prévoir tous les risques liés à ce paradigme. Les lois existantes qui ont été créées dans le cadre global de l’Internet protègent efficacement en théorie le consommateur mais sont difficiles à mettre en œuvre dans le cadre du Cloud Computing.  Comme il y a eu le 27 mai 1999 un amendement sur les fournisseurs d’accès à Internet, il faut s’attendre à la même chose pour les fournisseurs de services de Cloud Computing.



Page précédente
Page suivante