Le Cloud Computing



4. L’état du Cloud en Europe

4.1.    L'envol vers le Cloud Computing en Europe est indéniable

4.1.1.        L'Etat actuel de l'Europe : Un retard face aux Etats-Unis

Le cabinet d'études IDC[1] estime que les services Cloud représentaient 5% des investissements TIC[2] mondiaux en 2009, soit 17 milliards de dollars. Poussé par une phénoménale croissance moyenne annuelle de 25%, le Cloud Computing capterait d'ici 2013, 10% des investissements mondiaux, soit 44 milliards de dollars.

Cependant, le rapport "Cloud Outlook 2010" du groupe 451[3] indique que 57% des dépenses associées au Cloud Computing sont réalisées aux Etats-Unis, 31% en Europe, et 12% en Asie.

Quand à l'adoption des infrastructures en tant que services, l'utilisation de ressources serveurs virtualisées via des offres comme Amazon EC2, RackSpace, Azure  93% des dépenses sont effectuées aux Etats-Unis contre 6% en Europe et 1% en Asie.

Par ces chiffres, nous pouvons en déduire aisément que l’Europe est encore au stade de l’émergence dans l’adoption du Cloud.

4.1.2.        Un manque de collaboration

L'origine du Cloud Computing est comme nous l'avons vu un concept venant des Etats-Unis à travers Amazon. Le résultat actuel est qu’il n’y a quasiment que des fournisseurs américains sur le territoire européen. L’ecosystème européen est inexistant puisque le marché est majoritairement dans les mains d’une dizaine d’entreprises américaines (Amazon, Sun, Oracle, Google, IBM, Salesforces…).

L'Europe a compris trop tardivement que le Cloud Computing était la prochaine grande mutation de l’industrie informatique et a du mal à s’unir.

Le rapport « La société et l’économie à l’aune de la révolution numérique » explique les problèmes d’unification de l’Union Européenne.

L'obstacle culturel freine la recherche et le développement au sein de l'Union (27 langues différentes). « Même si l’Europe cherche à se positionner en contrepoint de la bipolarisation Chine/États-Unis de manière générale, elle est cependant handicapée dans la poursuite de cet objectif par une absence de vision stratégique, une gouvernance insuffisamment opérationnelle et un réseau d’alliances mal coordonné (Union pour la Méditerranée[4], vision stratégique, une gouvernance insuffisamment opérationnelle et un réseau d’alliances mal coordonné (Union pour la Méditerranée, APE[5]...). Les différents sujets sont ainsi traités dans un multilatéralisme au fil de l’eau selon des géométries variables. » Ce problème affecte logiquement le domaine informatique puisque le financement des recherches publiques doit passer sous l’accord de la commission européenne.

Pourtant, l'Europe a été pionnière en matière de partage d’infrastructures avec le Grid Computing, un concept ancestral du Cloud Computing. 

Le Grid Computing met à disposition de quelques équipes des ressources informatiques très puissantes pour des périodes de temps donnés (et généralement planifiés).

seti@home.png

Zone de Texte: Figure 12 SETI@HOME Source : Pour La Science n°68  Zone de Texte: mai 2010En France il existe par exemple le projet Grid'5000 (INRIA, CNRS, Universités, …). Ce cluster est en général utilisé pour faire des calculs parallèles sur de très gros volumes de données. Le projet SETI@HOME lancé en 1999, traque les signes d'une intelligence extraterrestre dans les signaux reçus par le radiotélescope d'Arecibo à Porto Rico. Pour ce faire, dès qu'un ordinateur est en veille, un logiciel démarre et analyse les données que lui envoie un serveur central.

 

2,5 millions d'ordinateurs personnels reliés par le réseau Internet participent à ce projet.

Le Grid Computing, dans son principe, n'est pas interactif car l'application n'est pas lancée immédiatement : il faut attendre que toutes les ressources soient disponibles en même temps. De plus, pour un utilisateur lambda, il monopolise beaucoup trop de ressources par rapport au travail demandé. Pour reprendre l'exemple de Grid'5000, 5000 processeurs sont en permanence à la disposition des chercheurs. Ce concept est aussi très complexe, il demande à l'utilisateur de paramétrer à l'avance ses besoins en puissance de calcul et de stockage.

Aujourd'hui, le Grid Computing ne sert qu'à des projets de recherche et n'est pas exploitable de façon industrielle. Les services financiers ont pourtant tentés ces dernières années à l’exploitation commerciale du Grid Computing. Mais la puissance de calcul surdimensionnée, l’administration d’un tel système et l’espace géographique massif demandé imposent des dépenses trop honéreuses. Le coût d'un projet de Grid Computing est conséquent, surtout pour un retour sur investissement assez faible d'un point de vue monétaire (et non pas scientifique). Pour  s’en convaincre, on peut citer le projet EGEE, en 2008, qui a  planifié sur 2ans une dépense de 47 millions d'euros dont 32 millions venant de la Commission Européenne et  50 millions d'euros de matériel apportés par les membres.

Le scepticisme de l'Europe face au Cloud était donc compréhensible auparavant au regard de l'échec du Grid Computing. Il est cependant temps pour elle d'adopter le Cloud Computing.

4.1.3.        L’Europe ne peut pas échapper à cette nouvelle forme d'industrialisation de l'informatique

La prise de conscience de la Commission Européenne

« L’Internet peut nous aider à relever les défis de l’avenir ; il est la clé qui permettra à l’économie européenne de sortir de la crise. Il appartient à l’Europe et à ses entreprises de saisir leur chance et de développer ces applications et technologies en ligne qui ont le potentiel d’accroître considérablement l’efficacité économique et sociale de nombreux systèmes dans leur fonctionnement quotidien. »

Viviane Reding, Commissaire européen chargée de la société de l’information et des media, Stockholm, 24 novembre 2009.

Selon une étude réalisée pour la Commission Européenne par le cabinet PAC, le marché du Cloud Computing dans l'Europe des 27 atteignait 4 milliards d'euros en 2009. Ce montant représente environ 1,5% du marché total des Logiciels et des Services.

Figurant une large adhésion, le Cloud Computing pourrait croître fortement jusqu'à représenter à l'horizon 2015 environ 13% du marché total des logiciels et services.

En France, le cabinet Markess International estime le marché total en 2009 de l'hébergement et des services de Cloud Computing (y compris le SaaS) à plus de 2,3 milliards d'euros.

 

 

Le Cloud Computing s'inscrit dans la logique de l'économie numérique[6]. L’économie numérique représente plus de 25% de la croissance mondiale et en représentera 30% avant 5 ans. L’économie numérique est à l’origine du 6% du PIB français, contre 13% aux Etats-Unis et 17% en Corée. Entre 2000 et 2004, les TIC ont contribué pour près de 50% à la croissance de la productivité de l’UE.

Le Cloud Computing répond aux enjeux de la société à moyen terme : changement climatique, évolution de la démographie et du lien social, compétitivité économique.

Il répond aussi à court terme à la crise financière et économique.

La crise financière peut être vue comme une opportunité pour le Cloud Computing : il répond à la problématique d'une économie allant vers le développement durable et au remaniement de la politique industrielle sur le long terme.

Il est usuel pour une entreprise de dire qu'elle fournit des <<services>> plutôt que des <<produits>>. La différence entre ces deux termes est faible. Pour le service, cela implique un contact personnel avec le fournisseur, c’est un gage de confiance pour le client.

Le Cloud Computing est lui même une forme d'industrialisation de l'hébergement des données et applications, du super-calcul.

Il améliore la qualité des produits et services générés par les entreprises. En effet, par le biais d'accéder à des ressources illimités, le Cloud Computing participe à la création de produits de niche à forte valeur ajoutée. C'est la nouvelle forme d'industrialisation des pays développés.

Dans une logique d'économie durable, on peut penser à développer sur un PAAS une application permettant de calculer la consommation énergétique de chaque citoyen de l'Union Européenne. Cette opportunité est envisageable, grâce au Cloud, pour une PME ou une start-up.

La France tente de rattraper son retard en termes d’infrastructures pour le passage au Cloud Computing. Un retard estimé de deux ans par rapport à l'état actuel du Cloud Computing aux Etats-Unis. Les infrastructures actuelles vont être améliorées. Le financement de ces travaux se feront grâce au Grand Emprunt[7]. 2,5 milliards d'euros de cet emprunt sera destiné aux services numériques. 700 millions d'euros seront directement pour le Cloud Computing. La somme servira à réaliser des projets publics en alliance avec des entreprises privées. On peut citer par exemple l'alliance Dassault Système, Orange et Thalès ou le groupe Bull. Le reste du Grand Emprunt servira à la mise en place du très haut débit[8]. Une somme insuffisante : 6 milliards d'euros (sur 15 milliards d'euros au total pour un tel projet) d'investissement public afin de couvrir 80% de la population en fibre optique.

Au delà de la rénovation des infrastructures, France For Datacenter[9] un club qui regroupe plusieurs acteurs français de Datacenter se mobilisent pour promouvoir l'attractivité de la France en terme d'énergie à faible prix, stable et peu émettrice de CO2, pour sa localisation stratégique (carrefour de l'Europe) et sa main d'oeuvre expérimentée en la matière.

En effet, on ne compte pas moins de 78 Datacenter en France, un nombre considérable par rapport aux autres pays de l’Union Européenne comme en témoigne le graphique ci-dessous. Dans ce graphique, il n’est mentionné que les pays ayant plus de 20 Datacenter sur leur territoire. Ces pays sont situés en Europe de l’Ouest.

Figure 13  Principaux Datacenters de l’Europe de l’Ouest Source : DataCenterMap, Western Europe, 2010

4.1.4.        L’Europe est armée pour construire des Clouds

Des atouts majeurs sont à prendre en considération et font de l’Europe un futur acteur prometteur dans ce paradigme.

L’Europe a des connaissances non négligeables dans des domaines connexes au Cloud Computing. Alcatel-Lucent situé en France est numéro un mondial dans le télécom et réseaux en 2009. 

Elle a également de grands experts dans la construction d’applications à forte valeur ajoutée. L’Allemagne et la France avec Capgemini, T-System et Atos Origin occupent de la 6ème à la 8 ème place dans le palmarès mondial en tant que téchnologies et services informatiques en 2008.

L’Europe concentre ses recherches dans des solutions open-source afin d’avoir une liberté de flux entre clouds. Le 29 mars 2010, la Free Cloud Alliance [10]a été lancée par 4 éditeurs français, Ielo, Mandriva, Nexedi et TioLive.

L’Europe est dotée d’une expérience dans les SOA[11] et les systèmes distribués avec par exemple l’entreprise Florino, éditrice de logicielle.

L’Europe  sait aussi s’allier avec les entreprises pour former des technopôles de recherche de pointes.  En France,  en 2009, les financements OSEO[12] pour des projets collaboratifs des pôles logiciels ont représenté 9,5 M€. Deux thématiques dominantes émergent parmi les projets financés : les technologies de l’Internet et le HPC (calcul haute performance).

Des mesures sont également en réflexion pour transformer des centres de Grid Computing en Cloud Computing.

Enfin, une alliance : EuroCloud[13] regroupe plusieurs entreprises situées dans les pays de l’Union Européènne. Celles-ci s’unissent pour promouvoir le développement du marché SAAS.

Pour conclure, le Cloud Computing recouvre  des offres de services très diverses : IAAS, PAAS, SAAS en Europe mais celles-ci sont naissantes à cause du retard que nous avons tenté d’expliquer.

Ce nouveau mode industriel de traitement de l’information, en raison de la diversité des offres qu’il recouvre, est régi, sur le plan juridique, essentiellement de manière conventionnelle, mais dans le cadre de contraintes légales et réglementaires très diverses.

La nature même de ce nouveau type de services implique à la fois un changement de paradigme du point de vue opérationnel (de la gestion d’un système à la gestion de flux de traitements et de stockage de l’information) et du point de vue juridique (de la gestion d’actifs à la gestion d’obligations).

Pour une adoption rapide du Cloud Computing, il faut un contenu juridique adapté. L’enjeu étant de créer une société, un regroupement autour du Cloud. Or une société ne peut être définie sans loi. La question est de savoir si actuellement, l’Union Européenne est en mesure de répondre ou s’il faut proposer des mesures adéquates.



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