5. Limites juridiques


          Nous cherchons à connaître dans cette partie les principaux points juridiques à prendre en compte par rapport à un buzz. Pour cela, nous regardons les éléments qui interviennent avant puis après celui-ci ; ce sont principalement des articles de loi qui sont relatifs à la consommation (vente, publicité) et au droit à l’image (personne, marque, produit).

L’environnement juridique d’un buzz sera ici séparé en deux parties :

  • Soit on se place avant le buzz et c’est plus au niveau de la diffusion de celui-ci  qu’une entreprise ou une personne doit se conformer à certaines lois

  • Soit on se place après le buzz et on relève entre autres les atteintes à l’image d’une marque ou d’une personne


5.a Avant le buzz


          Nous nous plaçons dans les cas qui vont suivre dans le cas de marketing viral : les entreprises sont donc principalement concernées et doivent respecter les lois du Code de Consommation.


Annonceur d’une campagne marketing

L’annonceur d’une campagne marketing doit déjà être clairement identifié. D’après l’article L121-1[1] du Code de la Consommation, une pratique commerciale sera dite trompeuse « lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n'est pas clairement identifiable » (alinéa 1-3). Toutefois, seuls les professionnels sont concernés (alinéa 3).


Publicité ciblée

Afin de diffuser un buzz auprès des utilisateurs les plus influents, la publicité peut cibler ces personnes en analysant leur comportement. Il existe plusieurs techniques pour la publicité comportementale[2] : le ciblage par intentions d’achats, par intérêt, par mots-clés tapés par l’utilisateur…

Ce mode de ciblage pour relayer une publicité fait appel à des données personnelles relatives à l’utilisateur. La loi n°87-17 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978, dans son article 7 apporte les éléments suivants qui sont à prendre en compte pour ce type de publicité :

« Un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à l’une des conditions suivantes :

  • Le respect d’une obligation légale incombant au responsable du traitement
  • La sauvegarde de la vie de la personne concernée
  • L’exécution d’une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement
  • L’exécution, soit d’un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci
  • La réalisation de l’intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de l’intérêt de ne pas méconnaître l’intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée. »


Prospection

L’article L121-15-1 du Code de la Consommation précise que «  les publicités, et notamment les offres promotionnelles, telles que les rabais, les primes ou les cadeaux, ainsi que les concours ou les jeux promotionnels, adressés par courrier électronique, doivent pouvoir être identifiés de manière claire et non équivoque dès leur réception par leur destinataire, ou en cas d'impossibilité technique, dans le corps du message ».

Cela signifie que pour réaliser une prospection directe auprès de clients par mail, celui-ci doit pouvoir être identifié directement comme étant une publicité afin de ne pas induire le client en erreur. De même que si le message contient une offre promotionnelle ou propose des jeux-concours, les conditions doivent apparaître clairement (ou avec un lien hypertexte dirigeant l’utilisateur vers ces conditions légales).


5.b Après le buzz


          Les entreprises sont moins concernées dans cette partie car ce sont elles qui lancent le buzz puis les utilisateurs vont ensuite le relayer, le modifier, le critiquer, en parler… C’est à ce moment qu’interviennent des notions comme l’atteinte à l’image d’une marque ou d’un produit (lois du Code de la propriété intellectuelle ou les lois du contrôle de l’économie numérique, LCEN).

On présente deux buzz où l’on met en évidence ces notions : l’un récent et n’ayant pas donné lieu pour le moment à des poursuites, le second datant de 2003 et où les plaintes du groupe Danone ont été rejetées.


Atteinte à l’image de marque

Le premier buzz concerne une vidéo datant de janvier 2010 réalisée par un étudiant en Arts appliqués, Romain Bourveix, mettant en scène un accident de bus place Bellecour à Lyon. Un trucage en 3D a permis de réaliser cette courte vidéo qui a très vite été relayée sur les réseaux sociaux ou les sites de partage de vidéos : il y a eu un peu plus de 200 000 visionnages en une dizaine de jours. En effet, l’initiative est originale, l’auteur de la vidéo était inconnu pendant plusieurs jours, de même que ses intentions, et le truquage est plutôt bien réalisé techniquement.

La vidéo a été évoquée dans différents médias :

  • Les médias papier : le journal ‘20 minutes’

  • Internet : sur le site du Progrès, du Grand Lyon (mlyon.fr), Youtube…

  • TV (France 3) et radios

La société TCL, suite à ce buzz, avait dans un premier temps envisagé de déposer une plainte. En effet, on peut considérer qu’il y a une atteinte à l’image de l’entreprise Keolis Lyon (société privée filiale du groupe du groupe Keolis) et une atteinte  à l’image de marque envers la société Sytral (propriétaire de la marque TCL).

Il faut se référer à l’article L. 716-1[3] du Code de la propriété intellectuelle qui annonce que « l’atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur ». Ici, l’atteinte pourrait par exemple porter sur le professionnalisme des chauffeurs de bus.

Par la suite, TCL a annoncé qu’ils ne porteraient pas plainte mais on voit bien qu’un certain nombre de problèmes peuvent survenir quand on fait appel à la parodie, au détournement d’une marque ou son évocation.


Contrefaçon et liberté d’expression

Le deuxième exemple met bien en évidence ce problème avec des faits datés d’avril 2003, date de la confirmation du jugement de la Cour d’Appel de Paris[4]. Ce buzz a commencé en 2001 avec la création du site jeboycottedanone.com créé par Olivier Malnuit et dénonçant les vagues de licenciements du groupe Danone.

Danone a par la suite porté plainte pour empêcher le détournement de son logo par ce site. Dans un premier temps, le tribunal de Grande Instance de Paris donne raison au groupe Danone et condamne pour contrefaçon « la reproduction servile des marques semi-figuratives notoirement connues » sans l’autorisation de la société.

La décision du 23 avril 2001 par le TGI de Paris mentionne bien que « [le] site internet (…) exploité par Oliver M. reproduisait un polygone caractéristique de sa marque figurative Danone insérant les mentions « Je Boycotte Danone.com » et estimant que ce nom de domaine et le contenu de ce site constituent la contrefaçon de ses marques ».

Logos Danone

Logo modifié et logo original de la marque Danone

Cependant, avec le réseau VOLTAIRE ayant acheté le nom de domaine ‘jeboycottedanone.net’ pour y copier le site original, la Cour d’Appel a complètement renversé le premier jugement[5] en donnant raison aux défenseurs contre Danone et en invoquant « le principe de valeur constitutionnelle de la liberté d’expression ».

Danone qui avait donc intenté une action à partir de l’article 713-3 du Code de la propriété intellectuelle a été déboutée et condamnée à payer une amende. Cet article du CPI interdit « l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ». Dans cette affaire, le juge a estimé que les défenseurs du site avaient « inscrit leur action dans le cadre d’un strict exercice de leur liberté d’expression et dans le respect des droits des sociétés intimées dont les produits n’étaient pas dénigrés et que, d’autre part, aucun risque de confusion n’était susceptible de naître dans l’esprit des usagers ».


Droit de réponse

La LCEN intervient également pour les droits de réponse [6]sur Internet. Depuis 2004, ce régime a quelque peu évolué. Le droit de réponse correspond au fait pour une personne mise en cause dans un média de pouvoir répondre aux informations diffusées la concernant. L’article 6 IV de la loi du 21 juin 2004 fixe le cadre juridique d’une telle demande.

« Toute personne nommée ou désignée dans un service de communication au public en ligne » peut dorénavant exercer son droit de réponse. Les personnes physiques et morales sont concernées. Le délai pour exercer ce droit de réponse est de 3 mois, il est totalement gratuit et ne concerne que la personne en question. Dans le cas d’un site internet où l’auteur qui a diffusé les informations est anonyme, c’est auprès de l’hébergeur qu’il faut adresser sa demande.